320 pages
Août 2024, rentrée littéraire
« La vie en soi, pour elle-même, n’est pas sacrée : il faudra bien s’habituer à cette terrible nudité métaphysique. »
Jorge Semprun – Adieu vive clarté…
Buchenwald
Buchenwald est un camp de concentration, d’extermination par le travail et d’expérimentations médicales nazi, situé dans la région de Thuringe en Allemagne, à 25 km de la ville de Weimar, la ville de Goethe.
Il fut créé en 1937 et dirigé par Hermann Pister entre 1942 et 1945 ; enfin, libéré en avril 1945 par les alliés américains.
Le camp forme un vaste archipel à lui tout seul avec des camps annexes :
- Des baraquements avec châlits où les hommes s’entassent par centaine
- Une kommandantur SS
- 1 usine souterraine d’armement Dora-Mittelbau (V1 et V2)
- 3 usines jouxtant le camp (p.82) où 9000 détenus y travaillent dans des conditions épouvantables :
- Mibau (gyroscopes pour missiles)
- Gustloff (carabines K23)
- DAW (matériel d’optique)
- Un crématoire
- Des carrières
- Un Petit camp (baraquements en bois et tentes : zone de quarantaine)
- Un camp principal
- Un manège pour chevaux
- Une tour (porte d’entrée et administration SS : photo du bandeau)
- Un bunker (prison du camp)
- Une place pour les appels
- Le Revier (« sorte d’hôpital » du camp)
- Une antenne de la Gestapo
- Les villas SS
- Une maison close pour kapos et chefs de blocks
- Les blocks 2, 7 et 13 où s’entassent 900 prisonniers soviétiques (militaires et politiques)
- Les blocks :
- Les tuberculeux dirigé par le Dr Robert Vic-Dupont
- Le Block 17, bloc de convalescents dirigé par Otto Storch
- Le Block 50, laboratoire pour la fabrication du « vaccin Weimar » contre le typhus
- Le Block 52
- Le Block 46, centre expérimental (cobayes humains) dirigé par Ding-Schuler (médecin et capitaine SS)
Les derniers sur la liste
Ils sont 37 prisonniers à franchir la porte du camp en aout 1944. Ce sont des :
- agents de renseignements
- chefs de réseaux résistants clandestins (PROSPER, STATIONNER, DONKEYMAN…)
- opérateurs radio…
Tous en mission clandestines sur le territoire français, occupé.
Certains sont membres du SOE (Spécial Opération Exécutive), unité spéciale créée par Churchill. Ils sont français, britanniques, belges et canadiens et n’ont pas la trentaine. Parmi eux :
- Harry Peulevé (capitaine et chef d’un réseau britannique en Corrèze)
- Forrest Yeo-Thomas (Commandant SOE)
- Stéphane Hessel (lieutenant et écrivain, résistant FFL, mort à Paris en 2013 et célèbre, notamment, pour son ouvrage paru en 2010, l’essai « Indignez-vous » que j’ai lu).
Ils ont été dénoncés, capturés, torturés par la Gestapo et déportés en Allemagne, prisonniers d’un camp dont on ne sort que mort (expériences médicales, travail, maladie, condamnation).
Ils sont 37 et, déjà, 16 d’entre-eux sont sacrifiés sur ordre de Berlin, pendus quelques semaines plus tard. Ils sont Les derniers sur la liste. Et, transférés au block 46, le block expérimental, celui des cobayes. Leurs vies sont suspendues au haut-parleur crachant leurs noms dans l’attente de leur convocation à la « Tour ».
Yeo a pris sa décision et fait un choix cornélien en choisissant Harry et Stéphane à le suivre.
Comment sortir vivant de Buchenwald ? Comment s’échapper ?
C’est le début d’une incroyable évasion et d’une incroyable histoire vraie racontée par Grégory Cingal : magistral !
La Mémoire au service de l’hommage
Grégory Cingal (vidéo Grasset, YouTube) est archiviste. L’archiviste est le gardien de la mémoire.
Il collecte, dépouille, trie, classe, répertorie, analyse et enregistre. Il cherche et enquête. C’est sur ces documents lus, décryptés, analysés, puis replacés dans leur contexte que l’auteur nous livre un livre époustouflant de véracité, de descriptions, de suspens, de tensions.
Tout est vrai ! D’ailleurs, la fin de l’ouvrage donne une longue bibliographie citant ses sources : interviews, lectures, centre de documentation (Arelson), archives de l’Institut Pasteur, procès de Nuremberg, Archives nationales…
Ce roman est presque un documentaire sur une époque historique peu glorieuse. C’est justement ce qui rend cette histoire bouleversante et émouvante.
L’ouvrage se divise en 9 parties composées de plusieurs chapitres courts (paragraphes ou pages) tels des fragments d’histoire.
C’est très touffu. On peut se perdre dans l’ensemble :
- des personnages
- des différents lieux composant le camp
- des péripéties : on se demande si l’on arrivera au bout
Cela relève de la complexité du camp de Buchenwald et de son administration.
C’est riche en suspens, en rebondissements. C’est haletant ! Et, c’est un magnifique témoignage sur le camp dans sa gestion entre résistance, conflits d’intérêt, corruption et hiérarchie.
Un tabou levé sur les atrocités perpétuées en ces lieux morbides qui n’intéressaient personne durant le conflit, et même après, malgré le procès de Nuremberg et les photographies clandestines du camp de Georges Angeli (1943-1945) cité à la page 147.
C’est surtout un hommage extraordinaire sur le courage, l’abnégation et la ténacité de ces hommes qui ont tout tenté et qui ont pris de grands risques pour se libérer de la barbarie nazie offrant une déposition au monde entier.
Le roman évoque les ravages psychologiques de cette détention des années durant. C’est un hymne à la vie !
Pour aller plus loin ?
Découvrez Le bureau d’éclaircissement des destins supervisé par Irène qui rencontre les descendants des camps de concentration pour leur remettre les objets trouvés durant et après le conflit mondial ; une magnifique enquête dans le but de réunir les familles.
Clic sur la photo pour découvrir le travail d’Irène de l’ITS d’Arolsen Archives.
Pour aller plus loin, encore ?
Roman autobiographique de Jorge Semprun, lu en 2001, relatant ses deux dernières années à Buchenwald, « Le mort qu’il faut » raconte, lui, aussi, son extraordinaire évasion.
« Disparaître, à Buchenwald, c’est prendre l’identité d’un autre. »
Clic sur la photo pour accéder au site web de Gallimard et acheter l’ouvrage.
Photo du bandeau : Bâtiment de l’entrée du camp de concentration de Buchenwald dont l’horloge affiche l’heure de sa libération (15h15) par les troupes alliées américaines en avril 1945.
Photo prise en mars 2018 (licence creative common – Wikipédia) – cliquez ici.
Merci pour cet article qui rend magnifiquement hommage à Les derniers sur la liste de Grégory Cingal. Ton analyse met en lumière toute la richesse et la profondeur de ce récit bouleversant, à la fois hommage historique et témoignage de courage. J’apprécie particulièrement la manière dont tu soulignes la rigueur documentaire de l’auteur et la complexité du système concentrationnaire nazi. Ce livre semble autant un cri contre l’oubli qu’un hymne à la résilience humaine. Ta critique donne envie de plonger dans ce récit poignant pour honorer la mémoire de ces héros et réfléchir sur les leçons de cette époque. Merci pour cette mise en lumière essentielle.
Merci Békir pour ce beau commentaire. Ravie de ta prise de conscience et d’éveil sur des faits historiques. Belle lecture à toi, tu leur rends un bel hommage.
Une histoire poignante qui permet de comprendre comment des super heroes qui ont vecu le martyr sont aujourd’hui des heroes . Ils sont morts pour nous sauver . Ce recit permet de mieux comprendre la souffrance et donne l’envie d’en savoir plus sur cette guerre qui a marqué l’histoire.
Merci Galise pour ton petit mot. Ravie que tu sois touchée par cette histoire qui rejoint la grande Histoire. Pour ne pas oublier les atrocités du nazisme, un régime totalitaire du socialisme nationaliste.Un récit mettant au diapason la résilience.
L HISTOIRE de ces COURAGEUX qui ont dû se battre et faire des choix pour survivre pendant et après le camps de Buchenwald !
Merci pour cette découverte !!
Je vous en prie, FreeTv75. Ce fut une découverte pour moi, aussi. Un très bon livre qui enrichit la connaissance et nécessaire pour ne pas oublier. Ce courage est extraordinaire ! Il fait réfléchir sur nous-même. Bonne lecture !