Suites pour violoncelle par Jean-Sébastien Bach
«Suite inoubliable» fait référence «aux suites pour violoncelle seul» de Jean-Sébastien Bach.
«Suite inoubliable» est le «Prélude» de la «première suite» de Bach joué par Ken Mizutani pour Hortense Schmidt, luthière. Elle est la suite inoubliable de leur nuit d’amour.
«Suite inoubliable» est la «Suite n°1» que Ken, inlassablement joue, répétant, s’enivrant, profitant de son instrument avant son incorporation dans l’armée impériale japonaise dans la guerre qui ravage son île. Là, dans les sons graves et aigues du «sol majeur» et du «ré», il oublie son destin, se réfugiant dans la mélodie de son «Goffriller» de 1712.
«Suite inoubliable» sont les «Suites pour violoncelle seul», l’intégrale jouée par Guillaume Walter, violoncelliste lors de son concert à Tokyo en 2017, au succès retentissant.
Une trilogie littéraire et musicale
Après le violon dans «Ame brisée», puis l’alto dans «Reine de cœur», Akira Mizubayashi nous raconte l’histoire du violoncelle dans «Suite inoubliable». D’ailleurs le 1e tome de cette saga musicale s’intègre dans ce dernier opus à travers le personnage de Jacques-Rei Mizusawa, luthier à la renommée internationale, qui en 2016 recrute Pamina. C’est avec joie que nous retrouvons ce personnage qui nous avait tant ému.
Une découverte incongrue
Pamina Schmidt est luthière elle aussi, et possède un bagage impressionnant de connaissances et d’expérience dans son art, celui de créer ou de fabriquer, de restaurer ces instruments à cordes.
C’est ce qu’elle fait avec le «Goffriller» de Guillaume Walter dont l’âme se fracture au cours d’une répétition. C’est en procédant au détablage du violoncelle qu’elle découvre, caché dans le tasseau du bas, une missive datant d’avril 1945 et une photo représentant un jeune homme jouant du violoncelle. Chose insolite, Pamina reste persuadée d’avoir, déjà, vu cet instrument. Il ressemble étrangement à celui exposé dans le magasin de musique de son père. Elle reconnait la signature de sa grand-mère et découvre un frère jumeau au «Goffriller», violoncelle à la couleur rouge cerise virant sur le noir, créé en 1712 par Mattéo Goffriller, luthier vénitien. Comme lui, une lettre d’un autre temps y est cachée.
Des fantômes vivaces
Les fantômes du passé font surface, des ombres tapies attendant d’être reconnues et découvertes.
«Suite inoubliable» leur rend hommage. La mort transcende la vie par-delà les années et les affres de la guerre pour ne pas les oublier. Jean d’Ormesson disait :
«Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.»
Composition d’une Suite musicale
Il est question d’héritage, de transmission et de mémoire dans ce 3e volet qui se découpe en six chapitres courts, précédés d’un prologue et suivis d’un épilogue sous la forme d’une lettre. Chacune des parties portent le nom d’une danse musicale :
- un prélude (introduction musicale comme une lueur d’espoir)
- l’Allemande (pièce musicale binaire à 2 ou 4 temps)
- une Courante (suite instrumentale classique : révolte intérieure)
- la Sarabande (danse passionnée, lente et grave à 3 temps provenant d’Espagne ; infinie tristesse)
- un menuet (forme musicale modérée à 3 temps, gracieuse et noble, musique baroque. Danse facultative de la Suite)
- enfin, la Gigue (ancêtre du violon, dernier élément de base de la Suite baroque : une fougue).
En un roman, Akira Mizubayashi nous invite à suivre les variations d’une Suite, celle de Jean-Sébastien Bach.
Assurément, ce grand écrivain est aussi un grand mélomane. C’est avec émotion et excitation que nous autres, lecteurs, aimons le suivre et écouter ces fantastiques morceaux comme lire sa prose emprunte d’émotions et de poésie, maîtrisant la langue française à la perfection, amoureux de la France.
Il nous fait vibrer musicalement par la musique de ses mots, la musique des compositions et des auteurs cités : Mozart, Bach, Casals, Schubert, Brahms, Haydn et Beethoven, sans oublier Edward Elgar.
Emotions paroxystiques
On en sort ému :
- ému par la musique (Bach ne m’a pas quittée un seul instant)
- ému par les différentes histoires entremêlées
- ému par la psychologie des personnages et leur destinée
- ému par la nostalgique d’une lecture achevée, grandi par les connaissances développées et acquises. (J’ai plein de CD musicaux à m’offrir).
Des traumatismes de guerre
Ce dernier ouvrage de cette saga musicale vibre tout du long comme chez les précédents, du traumatisme de la guerre, celle du Pacifique de la seconde guerre mondiale et des bombes atomiques tombées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945; et celle qui opposa le Japon à la Chine, dans son expansion colonialiste impérialiste sur la Mandchourie depuis 1931.
On y lit une souffrance et une colère contre les régimes fascistes et inquisiteurs, le fanatisme et l’aveuglement d’un peuple vouant un culte à un empereur divinisé.
Akira Mizubayashi met en garde contre le totalitarisme et incite à la réflexion par le savoir et la connaissance, cristallisé dans le personnage de Ryo Kanda qui offrit sa bibliothèque personnelle à ses clients malades et à tout son village, tout en sacrifiant sa vie dans un acte résistant, résumé en deux phrases latines :
«In terra pax hominibus bonae voluntatis. Dona nobis pacem.»
C’est une critique acerbe de tous les conflits engendrés par la folie meurtrière et destructive de l’Homme. Il n’existe qu’une seule échappatoire. Vraiment ?
La musique comme survivance et dissidence
La musique sera l’une d’elle, dissidente, elle aussi en la personne d’Edward Elgar et son concerto pour violoncelle écrit en 1918. Puis, la langue française, symbole de liberté et de démocratie comme un refuge et la marque dissidente dans le rejet de la langue japonaise avec laquelle, il se réconciliera des années plus tard.
Des traumatismes et des deuils, des vies déchirées, plaies ouvertes, non encore cicatrisées, malgré toutes ses années passées.
La littérature, l’écriture comme une libération. L’écriture comme un témoignage.
L’écriture et la musique comme un chemin vers la guérison. Des mots et des notes versés pour exorciser la colère et l’injustice.
Magnifique roman !
Livre hyper intéressant qui permet de confirmer que la musique est une thérapie pour aller mieux et se focus sur soit même. Effectivement une histoire enrichissante avec personnes sensible qui envie d’en savoir plus de manière positive sur l’état avancé dans plus tard de ces blessures du passé
C’est un ouvrage magnifique et une immersion dans l’univers musical, plus particulièrement celui de Bach. Roman émouvant sur les dégâts causés par la guerre sur le plan psychologique. C’est un hymne contre toute forme de guerre, de conquête, de pouvoir, de totalitarisme.