
Collection : La Grande Ourse
384 pages
Mars 2025
«[…] par l’idée réconfortante d’une nature salvatrice qui offrirait un refuge loin de la violence des hommes.», p. 176
Coup de cœur 2025
Débâcle
Débâcle, qu’est-ce que c’est ? Le mot fait référence à la banqueroute, à la chute d’un Etat. Nous sommes en 1991 et Boris Eltsine dissout le régime communiste socialiste de l’URSS entraînant la débâcle d’un pays qui s’effondre dans le chaos de la Perestroïka :
- plus de gouvernement
- de Parti
- de salaire…
C’est la débandade !
Débâcle, c’est aussi la rupture subite de la couche de glace d’un cours d’eau dont les morceaux (blocs) sont emportés par le courant.
Au fin fond de la Sibérie orientale, à la sortie de l’hiver, la Liéva endormie et prisonnière semble se réveiller offrant un danger périlleux pour la faune comme pour les hommes qui vivent, isolés, en pleine nature.
C’est ce que craint Liouba, 15 ans, trappeuse et guide de Piotr, agent du KGB, venu sur ordre, tuer Boris Poliakov, déporté avec sa famille en 1968 au lendemain du Printemps de Prague, condamné à 10 ans de Goulag (camp de travail forcé) et devenu ermite.
Le Parti perd sa trace en 1979 et douze ans plus tard, dans cette débâcle, un certain Platov veut effacer toute trace qui pourrait ternir un avenir glorieux, car tout est à reconstruire dans ce pays partant à vau l’eau et à vent.
Ainsi, débute, une chasse à l’homme dans une nature magnifique et hostile, où seule compte la survie des individus engagés, malgré eux, dans cette poursuite qui remet la vie de chacun en question.

Une immersion dans la taïga
Depuis Balitsky point, comptoir retiré de la Sibérie, nous voici plongés :
- dans une contrée sauvage : taïga, fleuves, vallons et forêts, montagnes et prairies
- à vivre le quotidien de Piotr, Liouba, Yuliana, Vassili, Sacha et Fiodor entre marche, bivouacs et chasse
- à échapper aux dangers d’une nature irréductible : ours, loups, maral, feu de forêts, inondations dues à la débâcle de la Lieva…
- à lutter contre les fanatiques de Dieu et des hommes désœuvrés et violents jalonnant leur excursion
Un roman immersif grâce à une narration réaliste dans les détails (descriptions et actions, périples et péripéties) dans lequel l’ennui est proscrit. Un roman d’aventure qui mêle suspense, poésie et érudition.
Cette échappée sauvage est fabuleuse ! C’est un livre hommage et un plaidoyer pour la Nature fasciné par elle dans toute sa grâce, sa beauté et sa bestialité.


Une réflexion sur l’homme et la nature ?
L’auteur oppose deux mondes différents :
- La société, en tant que groupe d’individus faite de lois, d’ordres et organisée
- La nature, en tant qu’espace infini, vierge d’humains (ou presque) et régie par ses propres règles
Dans cette opposition, il y fait une comparaison et dit que ce n’est pas forcément le monde de la nature qui est le plus violent et le plus sauvage, le plus hostile et le plus dangereux.
- Il y dénonce la brutalité des hommes dans ce chaos incontrôlable où règne la loi du plus fort et où toute morale est obsolète.
- Il y condamne l’idéologie communiste et toute sa dépravation (l’ombre du Goulag plane sur l’histoire rappelant l’oppression) ; comme la Religion, qui soumettent l’Homme à la perversion et à la culpabilité – l’homme étant conditionné par son environnement.
“La nature a fait l’homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable.” Rousseau.
La société pervertie l’homme tandis que la nature le ressuscite car elle reste immuable et résiliente… comme lui à son contact. C’est le choc entre la violence de l’État et la résilience individuelle. A l’individu de se prendre en main et de décider par lui-même. Il peut :
- changer de vie et de nom
- être une autre personne
- se reconstruire au sein de la nature
« Le monde, c’est ce que tu veux en faire. », p. 184

Coup de cœur 2025
Un superbe roman : magnifique, grandiose, magistral. Je l’ai adoré. J’ai tout aimé : le livre en tant qu’objet, le grain des pages, l’illustration de la couverture, le récit immersif, la profondeurs des personnages… J’ai beaucoup surligné : des phrases qui m’ont interpellée, des passages qui m’ont bouleversée. C’est mon coup de cœur 2025 !
Je découvre les éditions Paulsen et un écrivain dont j’ignorais jusqu’ici, l’existence. Je pense que ce ne sera pas le premier livre que je lirais de cet auteur car j’ai apprécié sa prose, cette vérité du texte, cette narration immersive qui m’a séduite.
Un livre à la fois haletant et profond, une réflexion écologique et une réflexion sur la survie. Une fresque spectaculaire !