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La forêt de flammes et d’ombres

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Akira MIZUBAYASHI

Gallimard

288 pages

2025

Grand prix de la francophonie, Académie française, 2025

« L’art, c’est ce qui résiste. […] Seul, il résiste à la mort, soit sous la forme d’une œuvre d’art, soit sous la forme d’une lutte des hommes. » Gilles DELEUZE

« La forêt de flammes et d’ombres », ce sont quinze panneaux gigantesques peints par Ren MIZUKI, artiste peintre japonais. Il y consacra dix-sept années de sa vie. C’est son lègue, son héritage…à la postérité et au monde entier. « Que la lumière éclaire le monde ! » p. 35. Mizuki comme Mitsu, son nom d’artiste. Mitsu, c’est la lumière !

A travers ses études d’art plastique, il avait découvert le peintre Yuzo Saeki qui avait séjourné en France dans les années 20. Ren fut, également, influencé par la peinture occidentale des XIXe siècle (Impressionnisme) et XXe siècle (Braque et Nicolas de Staël) et, il y mit toute son énergie, tous ses traumatismes dans cette création aux couleurs exaltées. C’est une explosion de couleurs : rouge, jaune, orange, vert, noir…Une forêt en flammes !

En 1944, à Tokyo, Ren fait la connaissance de Bin et de Yuki, tous deux étudiants en art : l’un dans la musique (violoncelliste), l’autre dans la peinture. Tout de suite, une amitié, sincère, fidèle et solidaire, liée, aussi, par l’amour artistique les réunirent à jamais, malgré les aléas de la vie et ses épreuves : la guerre, l’infirmité et ses blessures, l’amour, la passion et l’abnégation pour son art.

Ren est incorporé en tant que peintre de guerre, dans la guerre de 15 ans. Il en revient mutilé ayant perdu l’usage de ses mains. Comment survivre à la guerre ? Comment vivre sans la peinture.

Akira MIZUBAYASHI dresse une saga passionnante et émouvante dont l’art (musique et peinture), personnage central du roman, est un acte de RESISTANCE.

Image réalisée avec une IA par ©entre-ecriture-et-lecture.com

L’art, un recours face à la violence ?

Ce roman pourrait être le 4e tome de sa trilogie musicale car nous retrouvons les thèmes de prédilections de l’écrivain :

Le fanatisme ou la « guerre sacrée »

L’écrivain est en lutte contre le fanatisme, le colonialisme impérialiste, vouant un culte de la personne de l’Empereur, appelée « Guide Suprême ».  La société japonaise est régie par les lois implacables du Shintoïsme d’Etat p.67. Une société verticale dont la base est soumise à l’échelon supérieure qui, elle-même est soumise à…Ainsi de suite. La pensée est écartée comme l’individu. Chaque être humain est soumis à la volonté, au culte de cet empereur.

C’est un régime liberticide, absolu, propagandiste, autoritaire et contrôlant une population charmée et totalement aveugle. Cette bataille, c’est l’image du père qui a combattu toute sa vie durant cet embrigadement où l’exaltation du nationalisme japonais

Les guerres

Comme dans ses précédents romans, l’auteur évoque les conflits du Pacifique durant la période 1931-1945 et les bombes tombant sur Hiroshima et Nagasaki. Il raconte les violences infligées et subis par l’homme : soldats, civils. Ses écrits sont un témoignage des atrocités de la guerre qu’il n’a pourtant pas connu, né en 1951. Akira Mizubayashi reste, cependant, marqué par les blessures de son père. Les traumatismes physiques et psychiques qu’elle a déchaînés :

  • Comment vivre avec ?
  • Comment les surmonter ?
Ren et Yuki - image générée avec une IA - ©entre-ecriture-et-lecture.com

L’art, comme résistance ?

La peinture comme résilience 

Ren Mizuki devient un grand peintre, en partie grâce à son handicap qu’il arrive à surpasser. Ses pinceaux ? Ses pieds, sa bouche, parfois son visage ou son nez. Son corps devient pinceau. Il peint avec frénésie, avec passion. La peinture devient un exécutoire de ses souffrances et de ses cauchemars…peignant l’horreur (forêt en flammes), les ombres tombant sur le champ de bataille. Il exorcise, ainsi, les cris de ses camarades et les siens. 

L’amour et le corps de Yuki, son épouse, devient, aussi, sa toile dans leurs ébats. Yuki ne cessera de l’encourager, s’effaçant (elle est peintre) pour se donner totalement à lui et à sa peinture. Les années durant, elle créera un espace « Ren et Bin », à Paris, pour exposer l’œuvre de toute une vie, celle des panneaux « La forêt de flammes et d’ombres ».

La thérapie basée sur les arts créatifs est reconnue. Le recours à la créativité permet également de partager des événements traumatisants avec un public et de l’en faire témoin. De cette façon, Ren, touché par un traumatisme, peut l’extérioriser, et partager avec les autres l’œuvre d’art qu’il a créé. Cela l’aide à mettre de la distance entre sa création et ses blessures.

« La peinture, c’était sa vie. Sans elle, il ne pouvait pas vivre. Il se serait suicidé. » p.197

La musique, un refuge 

L’auteur est un grand mélomane (clic sur le lien pour écouter l’écrivain sur France Musique). La musique classique est omniprésente dans son écriture et dans sa vie. Il partage sa passion et son érudition pour cette activité. Chaque partie de l’ouvrage correspond à un mouvement musical que l’on retrouve, aussi, dans Suite inoubliable :

  • Le premier chapitre Trio de Ueno intitulé Adagio – Allegro vivace correspondant au 2e quatuor, opus 13 de Mendelssohn
  • Le troisième chapitre, c’est Cavatine ou Adagio molto espressivo correspondant au cinquième mouvement du Quatuor n°13, opus 130 de Beethoven, chacun des morceaux joués, à la fois par Bin et Aya dans un concert spectacle époustouflant en hommage aux talents de Ren et Yuki Mizuki à l’espace Ren-Bin, en 2015 à Paris.

La musique adoucit les mœurs comme on dit. Ici, elle est un baume réconfortant. Une échappatoire du monde violent. Elle est un dialogue, parfois amoureux entre différents instruments de musique : violon, alto, violoncelle formant le quatuor à cordes ou musique de chambre.

L’auteur nous entraîne dans une sorte de musicothérapie reposante car la musique peut transmettre des émotions que les mots ne peuvent pas. Bin se plonge dans cet art pour oublier son pays natal, installé à Genève. Pour oublier Yuki qu’il n’a jamais cessé d’aimer, pour dire son amour. La musique comme refuge.

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Une nouvelle patrie ?

Bin vit à Genève où il a créé un quatuor, le quatuor de Luce. Aya, la fille de Ren parcoure l’Europe artistique et s’installe en France où la rejoint, sa mère, Yuki. Chaque personnage quitte sa terre natale pour s’acculturer. La France, bien sûr, berceau des « Lumières ». Paris comme phare du monde ! Acte de résistance ?

Cette fuite est un acte de résilience. L’art y prend toute la place : musées, musique, peinture, écriture, langue. Quitter le Japon et sa société pour embrasser l’ART. Se reconstruire ailleurs en adoptant cet ailleurs : langue, culture, histoire. L’art comme nouvelle patrie !

Photo du bandeau : image générée avec une IA (Gemini) par ©entre-ecriture-et-lecture.com

Pour aller plus loin ?

L’art vous passionne, plus précisément, la peinture ?

Alors venez visiter les principaux musées parisiens en compagnie de Mona.

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Et plus loin encore ?

Et la musique classique ?

Partez à la découverte de Bach et son piano avec Claudie Hunzinger  ! 

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