198 pages
2024
« Un livre intense et féministe à la recherche de la liberté : aimer et jouir »
Deux femmes que tout oppose et que tout réuni
Le livre met en avant deux femmes que tout oppose et que tout réuni. Deux femmes issues d’époques différentes, de milieux différents et de pays différents.
Il y a d’abord Marie de Régnier, épouse d’Henri de Régnier, femme de Lettres (poétesse, romancière et dramaturge), héroïne de la Belle Epoque (période allant de 1871 à 1914), marquée par les progrès sociaux, économiques et technologiques que connaît la France.
Marie est la fille du célèbre José-Maria de Heredia, poète et maitre du mouvement du Parnasse (mouvement poétique issu de la seconde moitié du 19e siècle) qui valorise l’art poétique et la beauté. José-Maria de Heredia est académicien et fonde la société des poètes français.
Ensuite, se présente Forough Farrokhzad (1934-1967), poétesse iranienne d’après-guerre. Elle découvre l’Europe, se lance dans le théâtre et le cinéma (réalisatrice et actrice) et connait la gloire avec ses recueils de poèmes dont Le Mur, 1956. Elle reste l’une des plus célèbres poètes d’Iran.
Ces deux femmes sont mères de familles, l’une comme l’autre ont un fils et sont mariées. Autant d’éléments qui les distinguent, autant d’éléments qui les réunis.
L’amour incommensurable de l’une pour l’autre ?
Forough découvre Marie de Régnier par l’intermédiaire de Cyrus, dit la Tortue et en tombe littéralement amoureuse.
Elle aime passionnément Marie, ses amours avec Pierre Louys et vit à travers elle, par procuration. Elle rêve d’être Marie, désire être Marie.
Est-ce vraiment cela ? Ne serait-ce pas la liberté qu’elle entrevoit chez son héroïne ?
- La liberté d’aimer et d’être aimée ?
- La liberté d’écrire, de raconter ?
- La liberté de jouir ?
Ce roman m’a permis de découvrir ces deux femmes. J’ignorais leur existence. La lecture est un enrichissement perpétuel.
Ce fut une grande surprise pour moi, notamment par la découverte de la poétesse iranienne et de ses poèmes qui sont d’une beauté extraordinaire, magnifiques. Au point de vouloir investir dans ses recueils de poèmes. D’ailleurs, Abnousse Shalmani nous offre une belle bibliographie à la fin de son roman, dans la rubrique « Source »
La poésie de Forough : l’hymne du plaisir
La poésie de Forough est très belle :
- dans les mots choisis
- dans la virgule placée
- dans les métaphores
- dans son expression
- dans la richesse de la langue (traduction française)
Je trouve ses poèmes voluptueux. Ils sont centrés sur l’Amour : c’est sensuel, érotique sans vulgarité aucune. Le titre du roman fait référence au premier vers du poème Le péché paru dans le recueil Le Mur, 1955 : (vidéo Facebook, La Grande Libraire, Golshifteh Farahani lit « Le péché » 6 mars 2024). Touchée en plein cœur, je fus émue aux larmes.
Le plaisir : sexe et amour, péché impardonnable en Iran
C’est ce qui la condamnera aux yeux de tous. Elle tombe sous le joug de la communauté iranienne. Cette femme m’a beaucoup émue car elle a terriblement souffert dans sa chair et dans son cœur.
Toute sa vie, elle a cherché l’amour et la liberté : l’amour de son époux, celui de son père, la reconnaissance de son identité et de son talent. Cette liberté chèrement payée !
En Iran, c’est une «impure», une «pute». Elle est critiquée, humiliée, battue. Elle est mise au banc de la société. Son crime ?
- Oser, s’assumer, dire le plaisir à travers sa poésie
- Aimer avec son corps, son cœur, son esprit
- Etre aimée
- Vouloir être libre, choisir son destin
Scandale ! Elle est scandaleuse. Elle est la honte de la famille et de son époux qui la considère comme une catin pour avoir cédé à ses avances hors mariage. Elle se jette à ses pieds, hurle son amour pour lui et les siens. On lui retire son fils. C’est la femme qu’il faut tuer. Forough, à l’inverse de Marie, étouffe, trop serrée dans cet étau moraliste où la réputation a plus de valeur que l’individu. On la tue en la brimant et en la brisant. Vraiment ?
Son amour pour la vie et les Lettres vont dépasser toute cette hypocrisie, ces non-dits, toute cette haine. Ses poèmes vont justement connaître le succès car elle est la porte-parole d’une jeunesse assoiffée. Elle incarne l’indépendance et l’autonomie quand d’autres restent soumises à la mentalité, aux règles, à l’époux, puis à la famille.
L’émancipation sexuelle des femmes
Marie et Forough luttent pour leur émancipation, et à travers elles, c’est un chant, un hymne à l’émancipation de la femme – à la liberté féminine – sur le plan sexuel. Le droit d’aimer le sexe, la revendication du plaisir.
En France, la morale est là, mais Marie est davantage plus libre, même mariée. Elle est la muse de son cercle littéraire et accumule les amants :
- Pierre Louÿs, père de son fils
- Jean de Tinan
- Gabriele D’Annunzio
- Henry Bernstein
- Edmond Jaloux
- Jean-Louis Vaudoyer…
Tout le monde sait, mais tous se taisent. Elle n’est pas mise au banc de la société. Elle est pleine de vie, d’insouciance, elle fait fi des commérages, de sa réputation. Son nom et son mariage en sont les garants. Son esprit reste libre et conquérant, passionné, vivant, sans complexe et elle reste totalement à l’aise avec elle-même. La liberté y est beaucoup plus affichée. Elle est considérée en son temps comme l’égale de Colette ; mais n’aura jamais, ni sa gloire, ni sa renommée. Qui est capable de la citer de nos jours ?
Abnousse Shalmani (vidéo – extrait – La Grande Librairie, 6 mars 2024) met en avant la sexualité féminine tout en parlant de passion, d’amour et d’amants.
L’auteur joue sur ce contraste saisissant pour mettre en place sa comparaison de femmes, de pays, d’époques pour dire que le combat continue, malgré les progrès opérés. Elle veut montrer le poids de la morale, du conservatisme politique et religieux ou la critique et le jugement sont constants.
Un bon roman sensuel et féministe
Une structure du roman permettant par chapitre interposé de suivre l’évolution des héroïnes :
- découverte de leur personnalité
- de leur quotidien
- de leur plume : citations de vers, extraits de poèmes
- de leurs combats
doté d’une belle écriture, simple et fluide. Une belle histoire, richement documentée (interview de Cyrus).
Les mots et la plume sont plus fort que tous ces obscurantistes et islamistes aux pensées archaïques !! Merci a cette GRANDE DAME et MERCI A VOUS pour nous l’avoir fait découvrir !
Merci pour votre commentaire. Je suis ravie de vous avoir fait connaître une grande poètesse animée par l’amour et le désir. La plume a plus de poids, il est vrai. Sa gloire récompense sa douleur quand le silence et l’oubli s’acharne sur Marie. Abnousse a le mérite de nous apporter la lumière sur ces deux femmes, mais aussi sur un sujet tabou.
Un livre très intéressant et instructif et merci pour ce billet.
Merci Békir pour votre commentaire et ravie de vous avoir fait découvrir deux auteurs féminines. J’espère que ce livre vous plaira. Bonne lecture !
Un livre fort intéressant qui me l’envie d’en savoir plus sur comment ses deux héroïnes se démener à trouver leur inspiration pour exprimer leur savoir sur la cause féminine.
Bonjour Galise et merci pour ton commentaire. Je suis contente que cela te donne envie d’en savoir plus. Il est vrai que ces femmes sont exceptionnelles et comme toi, je les découvrais dans ce roman, toujours disponible en librairie via la commande ou sur Amazon, Fnac… Une belle cause que celle de ces femmes à la recherche de leur liberté, celle d’aimer.